Une goutte tombe, traversant l’espace avec une lenteur irréelle. Les yeux de Siam la suivent sans vraiment s’y attacher. Bruit sourd, preuve que l’attraction terrestre ne peut être contournée. La jeune femme passe son chemin, et continue à glisser le long des ruelles de Pré au Lard, son sixième sens la prévenant du futur orage qui se profilait à l’horizon. Ce temps pesant et prêt à exploser ne la dérangeait en rien. Ce n’était ni quelques gouttes, ni le tonnerre ou même les éclairs qui allaient provoquer la peur chez elle. Oh non, il en fallait plus pour mettre de coté l’assurance de cette demoiselle.
Celle-ci continua sa marche, sans se soucier de l’eau qui commençait doucement à tomber autour d’elle. Une mèche brune vint à se coller contre sa tempe droite, sous l’effet de la pluie. Elle la chassa rapidement d’un revers de la main tandis que son regard se portait au moindre détail appartenant au décor.
Une poubelle pleine, dont on voyait les épluchures du restaurant le plus proche dépasser; une porte arrière légèrement entrouverte; une flaque d’eau qui se formait peu à peu à sa gauche; un enfant qui se précipitait vers elle, tandis que sa mère lui interdisait formellement de sauter dedans… tant d’infimes éléments si insignifiants mais pourtant si nécessaires au paysage.
Siam détourna la tête. Elle sentait son cœur se mettre à battre comme à chaque fois qu’elle faisait attention à ce genre de situation, comme à chaque fois que sone esprit se laissait porter par son cœur au lieu de ses pensées. Elle ne devait pas porter trop attention à ce genre de moment mais… cela faisait partie de son être, d’elle-même et elle ne pouvait pas vraiment taire ses sentiments si facilement.
Elle continua à marcher, glissant sur le sol comme si ses pas ne le touchaient pas. Le tonnerre retentit enfin, ne la faisant même pas sursauter. Le tonnerre… ensemble de sons bruyants annonciateur du pire. Vint l’éclair, bref, clair, précis. Elle n’eut pas peur non plus. L’enfant qui avait voulu sauter dans la flaque d’eau cria. Elle ne tourna pas la tête vers lui, elle savait que sa mère était là pour lui, et que ses paroles le rassurèrent de la meilleure façon qui soit. Et oui… la mère n’est-elle pas la personne la plus apte à prendre soin de son enfant? Cette pensée l’aurait fait sourire doucement autrefois, mais elle n’avait, en cet instant, pas le cœur à rire.
Pourquoi était-elle là? Pourquoi se promenait-elle dans cette ruelle par ce temps si froid et si peu propice à la promenade? Elle n’en savait proprement rien. Peut-être avait-elle besoin de s’éloigner à nouveau du château, pour… pour pouvoir se sentir plus forte et se trouver une bouffée d’espoir. Oui… de l’espoir… de la force. Quelles bonnes blagues! Lorsqu’on a plus grand-chose à faire, lorsqu’on est perdu, est-ce qu’on peut franchement trouver ces éléments? Il ne fallait pas qu’elle se voile la face. Elle avait beau ne pas avoir peur de l’extérieur et de ce qui l’entourait, elle avait pourtant cette boule d’angoisse qui restait brûlante en elle, comme une menace silencieuse de ce qui pourrait arriver plus tard.
Craquement puissant.
Fissures qui se forment.
Crépitements soudains.
Siam tourne la tête immédiatement et son regard se pose sur les hauteurs des bâtiments entourant la rue. Un éclair s’était abattu sans remords sur le toit le plus proche. Quelques flammes se profilaient déjà vers le ciel, tandis que le mur se fissurait dangereusement. Une pierre se détacha et la jeune femme remarqua enfin la présence du jeune garçon et de sa mère, complètement apeurés par la situation. Réprimant un juron, elle sortit sa baguette et la tendit vers la pierre qui alla s’écraser violemment quelques mètres plus tard. Elle se précipita vers eux, alors que le mur commençait à s’écrouler tout doucement, pierre par pierre. Le feu, quand à lui, se détachait du ciel presque noir, préférant fuir vers d’autres toitures, espérant sûrement gagner en puissance et devenir impossible à maîtriser.