Minuit. Cornélia était étendue sur le dos sur son lit, bras croisés derrière la tête. Elle se laissait bercer par le bruit régulier des respirations lentes et longues des filles de son dortoir qui dormaient profondément. C’était quand elles dormaient que la Pouffy arrivait à les apprécier. Elles ne pouvaient plus parler, elles ne pouvaient plus crier, plus la saouler… Elle soupira et roula sur le ventre pour prendre un bout de parchemin qui traînait sur sa table de nuit. L’entête était monogrammé des initiales accompagnées du symbole du Royaume du Hibou, magasin où travaillait son père. Elle esquissa un sourire en relisant la lettre. Moment rare. Mélie ne souriait presque jamais. D’ailleurs le fait qu’elle sourie en lisant une lettre était quasi impossible. Mais son père lui manquait.
Cornélia était une solitaire. D’une indifférence totale au monde qui l’entourait. Son incapacité à aimer les gens en dehors de trois exceptions la surprenait elle-même parfois. Elle tenait cela de son père, une des personnes au monde qu’elle aimait plus que tout et pour qui elle serait prête à mourir avec ses deux frères aînés qu’elle adorait encore plus. Son père, ancien Serpentard, ses deux frères, Serpentard et Poufsouffle. La jeune fille aurait aimé être chez les Verts et Argents, ils inspiraient peur et méfiance et en général les gens les laissaient tranquilles. C’était cela qu’elle leur enviait. Les Serpentards pouvaient être solitaires, on ne leur reprochait pas, mais les Poufsouffles étaient victimes d’un stérotype qui agaçait prodigieusement la jeune fille : ils devaient toujours être aimables et souriants, bonne poire quoi. Mais bon, le Choixpeau avait décidé que le blaireau lui conviendrait et Cornélia respectait sa décision, guettant le moment où elle saurait enfin qu’elle appartiendrait véritablement à cette maison.
Elle s’étira en baillant puis se redressa silencieusement, dénouant ses muscles un à un. Serrant toujours la lettre dans son poing elle fouilla dans son énorme valise et en sortit un rouleau de parchemin, une bouteille d’encre et une élégante plume de paon. A pas feutrés elle sortit du dortoir en fermant doucement la porte derrière elle puis descendit dans la salle commune. Elle était vide à l’exception d’un garçon assis dans un canapé et lisant un livre. La Poufsouffle lui jeta un regard indifférent puis progressa dans la salle. Elle regarda furtivement l’âtre sombre et fumant de la cheminée et sortit sa baguette de son slim noir pour la pointer sur les bûches calcinées. Elles s’enflammèrent et Mélie s’écroula dans un fauteil, satisfaite.
La Pouffy déboucha son flacon d’encre vert émeraude et déroula son parchemin avant de tremper la pointe de sa plume. Elle suspendit son geste et resta une minute immobile, la pointe posée sur la surface rugueuse du parchemin, puis elle griffonna l’entête de sa lettre. Elle continua de rédiger sa lettre, racontant quelques banalités lui étant arrivées ces derniers jours. Elle avait presque fini lorsque le garçon assis non loin d’elle parla :
« C’est une heure bien tardive pour écrire... »
Cornélia releva la tête et le regarda sans vraiment le voir, comme si il était transparent, avant de se repencher sur son parchemin sans répondre.